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La terre
s'est vidée de ses sanctuaires. Sur les boulevards où la cendre
vole, vagabondent nos carcasses qui cherchent devant eux le répit.
Rien ne s'arrête plus. Le conducteur du train, hystérique, passe sa
tête immonde par le trou qu'a laissée la vitre brisée, et hurle
d'un cri qui lui fend toute la hauteur des joues. Le dernier wagon
tire ces vies pouponnes et obscures que rien ne soutient.
Un
mensonge, du cœur à la bouche, comme une nausée au réveil, fait
pression pour s'épandre. Trouble, visqueux, repoussé en marge,
hésitant il se laisse mourir à peine né, honteux de lui-même
comme il l'est de la vérité qu'il masque.
Regarde-moi dans les
yeux ... Dis-moi pourquoi, et comment ...
Ce qu'il y avait de plus
haut en lui s'est consumé, est venu s'entasser au fond, y
grossissant la masse de matière brûlée qui empêche que soit
parfaite toute tentative de reprise de souffle.
Dans le ring, il
se relève chaque fois un peu moins sûr, un peu moins fort,
repartant à l'assaut, fatigué, les yeux injectés du sang qu'il
reste, la langue heurtée au goût cuivré de sa chair défaite.
L'espoir trébuche, l'espoir s'agenouille et suce ...
Regarde-moi
...
Les mots justes ne viennent pas. On répond toujours à côté.
Le malaise est évité comme un gouffre dans lequel il ne faudrait
faire tomber personne d'autre, pas même une partie de soi qui
faisant semblant de n'avoir été tout-à-fait gangrénée se
substitue à celui qui n'arrive pas.
Rien n'éclaire rien ... Dans
dans ces ténèbres devenues permanentes nous ne nous orientons qu'en
prêtant attention à des cris insensés, qu'en caressant du bout des
doigts des rails qui vibrent.
De peur de se perdre dans des lieux
où l'oubli submerge, soi-même on hurle, se croyant quelques
instants en tête de ce mouvement macabre qui ne s'arrête plus.